« Commencez donc pas à fumer ! » 

« Commencez donc pas à fumer ! » 

Par Ronald Martel

J’étais un jeune ado quand mon père a dit à ses enfants, dont j’étais l’aîné, « Commencez donc pas à fumer, je voudrais tellement arrêter et je n’en suis vraiment pas capable ! » Il fumait depuis l’âge de sept ans. Pendant 38 ans déjà, il ruinait sa santé… Il avait huit frères, dont quatre plus vieux que lui, qui l’avaient fait fumer avec eux pour l’empêcher d’aller les dénoncer aux parents, car fumer était défendu pour les enfants de la famille. « Tu as fumé toi aussi…! »

Le conseil de mon père, nous l’avons entendu haut et fort, et respecté, aucun de mes six frères et sœurs n’a fumé durant sa vie.

Quelle ne fut pas ma surprise, en mai dernier, de prendre connaissance d’une campagne anti-tabac lancée par le Réseau du sport étudiant du Québec (RSEQ), en partenariat avec le gouvernement provincial, arborant le slogan « Laisse pas ta vie partir en fumée », une campagne annuelle de prévention à l’initiation du tabagisme qui visait à sensibiliser les jeunes âgés de 11 à 15 ans. Car l’âge moyen d’initiation au tabac se situe à 13,3 ans, groupe d’âge le plus à risque de s’initier aux produits du tabac.

La campagne reprenait mot pour mot ce conseil de mon père, répété aussi pour titrer le site internet relié à la campagne : commencepasafumer.ca – ce qui a fait ressurgir en moi plusieurs souvenirs. Entre autres, les nombreux efforts de mon paternel pour arrêter de fumer, ayant tout essayé, pilules, gomme à mâcher, « patches de nicotine » et autres mesures qui ne s’avérèrent jamais plus qu’inutiles.

Quand nous visitions mes grands-parents à Piopolis, la fin de semaine, tout le monde dans la maison fumait, un fin brouillard blanc et une senteur de brûlé, sévères et persistants, emplissaient la maison. Nous, les enfants, avions la tendance naturelle à sortir prendre l’air. C’est certain que la fumée secondaire nous faisait fumer autant que les 12 frères et sœurs de mon père. Ils aimaient, la fin de semaine, visiter mon grand-père, qui fumait la cigarette et la pipe, ne dédaignant pas, à l’occasion, un petit cigare.

Tellement de fumeurs voient la tâche d’arrêter de fumer comme une montagne infranchissable, la mauvaise habitude du tabac étant ancrée profondément dans toutes les fibres de leur corps. Mon père était de ceux-là. Son médecin lui avait mentionné que ses poumons présentaient des zones sombres, noircies et déficientes, et qu’il devrait arrêter de fumer.

Plusieurs de mes oncles et tantes sont malheureusement décédés du cancer lié au tabagisme. Mon père, à force d’entêtement, a péniblement réussi à arrêter de fumer, mais il n’a pas prolongé sa vie au-delà de 82 ans. Je tiens à le saluer de nous avoir transmis le meilleur conseil qu’il avait trouvé, que je l’entends encore nous marteler : « Commencez pas à fumer, je voudrais tant arrêter… »