Titre : L’Humeur buissonnière
Par Dyane Raymond
Il arrive qu’on me demande quel est ou sera le « thème » de ma prochaine chronique, toujours, je n’en ai pas la moindre idée avant de moi-même la lire. Comme je n’arrive pas à reconnaître que je ne sais pas, ce qui m’apparaît plutôt plate comme réponse, je ne dis rien.
Ainsi pour celle-ci, avant de commencer à écrire, trois éléments disparates me sont venus à l’esprit.
En premier j’ai pensé à l’expression là d’où je viens, que m’évoque, chaque fois que je la regarde, la photo de mariage de mes parents posée sur la commode, où derrière mon père sont alignés les Raymond, tous bien droits, sérieux et solennels, et de l’autre côté les Lévesque, ma mère tout sourire, le grand-père la bouche ouverte, la grand-mère un petit chapeau de guingois, l’oncle le cheveu hirsute. Chaque fois en regardant cette image, je me dis c’est de là que je viens, ces deux lignées, un côté de moi plus « straight », urbaine, penseuse, et l’autre versant, nature, imparfaite, un peu de travers. Ce ne sont que des impressions bien sûr, les ombres et les lumières du temps étant souvent trompeuses, trop mystérieuses pour être vraies, trop lointaines pour être cernées dans une case ou dans une autre. En détournant mon regard de la photo, j’en reviens chaque fois à la même conclusion : là d’où je viens, là où je vais, il y a la foi féroce d’exister.
La seconde idée a été le mot désaveu. Un mot terrible si vous voulez mon avis, spécialement quand il s’applique à une personne aimée. Un mot qui ne devrait même pas exister, qui ne devrait pas être pensé. Un mot qui fait de la peine, ça oui. Qui tranche en deux quelque chose de si souple et doux qu’on le croyait indéchirable. Un mot qui ne fait pas pleurer ‒ si seulement ‒ mais qui fait tomber la bonté dans un puits si profond que sa chute reste sans bruit. On me reproche souvent d’exagérer ou d’être exagérément sensible; c’est néanmoins comme ça que je résiste à la fatalité et existe dans la foi du monde.
Finalement, la troisième chose c’est la maison. Vous ai-je déjà parlé de l’importance que j’accorde au lieu où j’habite et où je vis? J’ai dû, c’est tellement fondamental pour moi que même le camping, suis pas capable. J’ai besoin d’un toit, d’un sol, d’une porte et de fenêtres pour ceindre mon univers, pour m’ancrer dans ce monde, qui depuis toujours reste pour moi tanguant, instable. Ne vous y trompez pas, il ne s’agit pas d’un sédentarisme exacerbé, car je suis toujours prête et ravie de m’élancer vers de nouvelles aventures. Non, c’est là le havre où j’ai déposé toute ma fortune : mon intime foi d’exister.
Bon, cette chronique tirant à sa fin, voilà, on pourrait lui donner comme thème Exister; ça aurait de l’allure?
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