« L’amour libère l’origine »
Par Dyane Raymond
J’adore trouver des titres (merci Ronald d’avoir réintroduit cette pratique) et j’ai hésité ici entre deux : celui choisi ou « Toute étude est une joie », deux phrases tirées de ma lecture du moment : Compléments à la théorie sexuelle et sur l’amour, de Pascal Quignard (Seuil, 2024).
Les personnes qui fréquentent cette chronique depuis un certain temps connaissent mon préjugé vis-à-vis de la lecture en particulier et de l’art en général. Et j’en ai un autre, tout aussi favorable et spécifique envers cet auteur. Pas tant à cause de son érudition, qui est exorbitante, que pour son rapport à la Vie. Ne dit-il pas encore : « Un rêve n’est jamais dérisoire. Il est né de la terre, il est toujours indemne du monde. » Ce qui est heureux avec les phrases de Quignard, c’est qu’elles mettent du temps ‒ un temps long ‒ à se déposer. On ne sait trop où ni comment. Là. Comme la poésie.
Ce printemps, on l’a attendu longtemps; il a explosé sans bruit, quoiqu’avec fracas, parce que c’est ainsi que, toujours, il s’insinue dans nos vies, les parant de cette frénésie tranquille, s’emparant des corps et des esprits; et pourquoi faire? Pour faire naître et renaître du vivant, encore. Semailles et grenailles, poussins et passions, microscopiques fourmillements et grandes manœuvres; le farniente viendra plus tard à l’ombre du grand tilleul quand la chaleur pèsera de son poids lourd et que l’étalement des nénuphars aura remplacé la valse chorale des grenouilles au petit lac; quand le gros œuvre sera accompli et qu’il sera enfin l’heure de l’apéro.
Quignard parle d’« art », je remplace le mot « art » dans sa phrase par tâche pour dire autrement le geste inexorable que le printemps appelle : « La tâche est ce qui accepte l’épreuve réelle du désir intraitable et en subit toute la force. »
On peut a contrario être celle ou celui qui contemple. Celle ou celui qui se glissera dans un interstice de lumière pour agrandir la faille ; pour reconnaître le vieil ami qui a tenu bon, son écorce rugueuse et velouteuse le protégeant, et lui, et elle, et moi, des brûlantes blessures du réel ; ou pour encore, sans protection ni armure offrir son corps à la science des instants et observer la métamorphose : deviendrons-nous cigale pour chanter tout l’été ou luciole pour éclairer l’invisible?
Alors, c’est bras nus, jambes nues, tête nue, que je vous souhaite, amis.es Cantonnier, un été de bonté.
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