L’Humeur des paysages

« The table is a meeting place, a gathering ground, the source of sustenance and nourishment, festivity, safety, and satisfaction. » Laurie Colwin. Photo par Charlie McKenzie
« The table is a meeting place, a gathering ground, the source of sustenance and nourishment, festivity, safety, and satisfaction. » Laurie Colwin. (La table est un lieu de réunion, un terrain de rencontre, une source de nourriture et d’enrichissement, de festivité, de sécurité et de satisfaction) traduction libre. Photo par Charlie McKenzie

Par Dyane Raymond et Charlie McKenzie

À la fin des années 1990, j’ai vu un film intitulé en français « Antonia et ses filles ». Et parmi les scènes qui m’avaient le plus interpelée, entre autres, dans ce film magnifique, il y avait celles des grandes tablées autour desquelles se rassemblaient ponctuellement ce clan atypique dans la campagne hollandaise d’après-guerre. Je les trouvais chanceux d’être ainsi réunis dans une convivialité ludique, complice, chaleureuse, festive, etc. Je les trouvais chanceux sans savoir que quelques années plus tard, je serais assise à une même table chez mes amis Lou et Luc, qui n’ont rien à envier à la belle Antonia en ce qui a trait à la liberté et à l’amour, de la famille, du prochain, du partage, de la musique, de la vie. Ce sont, oui, des êtres d’exception, et bien réels ceux-là.

Ce soir, c’est à mon tour de recevoir mes amis. Ce ne sera pas une aussi grande tablée, mais tous les ingrédients festifs et affectifs seront là. Ce sera une des premières journées d’été de l’année. On boira l’apéro sous le soleil au milieu des pissenlits. La nourriture sera bonne. Le bonheur d’être ensemble, palpable. Et comme à chaque fois, je nous trouverai chanceux d’avoir tout ça. Ça, la conscience de ce privilège de bénéficier d’une telle qualité relationnelle, et ce dans un environnement dont la beauté se renouvelle quotidiennement. Ça, l’abondance dont nous nous entourons : nous ne sommes pas riches, loin s’en faut, mais savons mettre les petits plats dans les grands et nous extasier devant cet étalage de bonté. Ça, tout ce qui se dira ne sera pas retenu contre nous, mais au contraire élargira nos horizons, même si on parle pour parler, même si nos conversations n’ont ni queue ni tête (surtout vers la fin de la soirée !), même si tout à coup une confidence se glisse entre les lignes et laisse passer un ange…

Ces soupers de fête, à deux, à trois, à dix ou à vingt, sont pour moi, comme autant de petits miracles ordinaires. Je veux dire qu’ils réussissent le tour de force de nous rendre heureux. Et le vin, s’il n’y est pas étranger, n’est cependant pas l’élément essentiel de ce prodige…

Dyane Raymond
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