Conditions de vie des premiers colons de Garthby

Une maison en bois rond dans les premiers temps de la colonisation (Gracieuseté)

Par Carol St-Laurent

Le 4 août 1848, après quatre jours de marche, arrivèrent à Garthby les premiers colons en provenance de Québec. Ils étaient au nombre de cinq : Félix-Noël Vachon, menuisier, Joseph Lacroix, jeune marin, François-Xavier L’Heureux, François-Xavier Larrivée et François-Xavier Mercier.

L’épouse de Joseph Lacroix, Euphrosine Bernier, est venue le rejoindre un mois plus tard. Celle de Félix-Noël Vachon, Luce Carreau, est arrivée à Garthby au mois de mars 1849. Ces familles s’installèrent sur des lots situés aujourd’hui le long de la route 161. Une croix de pierre marque l’emplacement du lot 42 qu’occupait la famille de Félix-Noël Vachon. Heureusement pour les premiers arrivants, M. Vachon était menuisier. Certains colons venant de Québec ont rebroussé chemin ou ne sont tout simplement pas rendus dans le canton de Garthby. Dans leur Manifeste des douze missionnaires publié en mars 1851 et intitulé : Le Canadien émigrant ou pourquoi le Canadien-français quitte-t-il le Bas-Canada?, les missionnaires catholiques déclarent :

« Le chemin Gosford, qui a coûté extrêmement cher à la province, est actuellement dans un état dangereux, depuis le lac Nicolet, dans le township de Ham, jusqu’à Saint-Gilles. Il y a même déjà deux ans, plusieurs centaines de personnes que l’indigence éloignait de Québec, après avoir passé plusieurs jours à faire vingt lieues dans le chemin Gosford dans l’espoir de s’établir sur les terres dans les townships de Garthby, Stratford et Winslow, ont été tellement découragées par le mauvais état de ce chemin que, rendues sur les bords du lac William, elles ont renoncé à profiter des avantages offerts par le gouvernement. » (Pascal Binet, L’épopée des chemins Craig et Gosford).

Ces hommes qui se sont rendus à Garthby n’avaient pas d’aptitudes dans la construction et encore moins à la culture de la terre. Pour ces gens venus de la Ville de Québec, leur première expérience dans le défrichage d’un lot n’a pas été facile. Il fallait abattre les arbres pour se construire une maison, défricher la terre avec de moyens plus que rudimentaires, faire des abattis, retourner la terre pour ensemencer…

Il s’avéra que ces lots étaient rocheux et incultes selon l’abbé Bégin, premier curé de Saint-Olivier-de-Garthby (1851-1852). Le premier agent du gouvernement, M. Jean-Olivier Arcand, a sauvé la nouvelle colonie de la famine. Malheureusement, à la suite à de manigances et d’un manque de soutien des autorités pour la colonie naissante, celui-ci a quitté son poste. Les secours des sociétés de colonisation ont considérablement ralenti.

Voici un extrait de la lettre que l’abbé Bégin écrivait à son évêque en fin d’été 1852, peu avant son départ :

« Ces pauvres gens, malgré la chétive pitance qui entretient leur vie, sont déjà en présence de leur dernier boisseau de blé, d’autres d’orge. Il faut remarquer que les trois quarts d’entre eux n’ont pour tout potage, à tout repas, que du pain sec d’orge ou de blé sarrasin ou de froment gelé. C’est une bien maigre ration que du pain sec pour supporter les pénibles travaux de défrichement de terres incultes, et encore ce pain va-t-il leur manquer au premier jour, et chaque famille, l’une portant l’autre, est composée d’au moins six à sept bouches ».

Quelques années plus tard, l’abbé Gignac écrivait ceci :

« Abandonnés de toutes parts, établis sur des terres à peu près incultes qu’ils avaient choisies dans leur inexpérience, éloignés de tous les centres d’affaires, ils comprirent la difficulté de leur position. Plusieurs familles découragées prirent le parti d’abandonner le théâtre de leur misère et de retourner à Québec, ou de se diriger vers les États-Unis.

Les autres, ne pouvant se décider à la retraite, luttèrent contre toutes les difficultés avec l’énergie du désespoir.

Deux ou trois fois par année, les hommes descendaient à Québec à pied, travaillaient sur les quais quelques semaines et rapportaient sur leur dos les provisions qu’ils avaient gagnées. Dans l’intervalle, les femmes et les enfants se nourrissaient surtout de fruits sauvages. Un de leurs mets favoris était une espèce de potage fait avec des feuilles de patates, de bois blanc et de différentes herbes grasses qui croissaient autour des maisons.

Avec cette bouillie, on venait à bout d’entretenir la vie tant bien que mal jusqu’à l’époque de la nouvelle récolte.

Alors, tandis que le mari battait son grain à moitié mûr, la femme et les enfants armés de pilons le transformaient en farine, puis, au bout de quelques heures, la mère joyeuse servait à sa famille des morceaux d’une espèce de mastic gluant qu’elle décorait du nom de galettes. Celui qui voulait se régaler d’un morceau de pain devait aller faire moudre son grain à Halifax, distance d’environ trente milles à pied. Tant de privations et de souffrance plus faciles à imaginer qu’à décrire ! En 1855, M. F-X Groleau, originaire de Deschambault, vint construire sur la rivière Québec, à un mille à peu près en aval du lac Coulombe, un petit moulin à farine. » (Archives du Diocèse de Sherbrooke).

Grâce au courage, à la détermination, aux privations et aux durs labeurs des premiers colons de Garthby, la population s’est graduellement agrandie. Dans les années 1900, notre localité est devenue un lieu prospère.

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