Par Dyane Raymond et Charlie McKenzie
Mon amie Lou m’a prêté un livre de l’écrivaine et journaliste tchèque Milena Jesenska, une femme qui, entre autres et pour nous servir de référence, inspira de ferventes lettres d’amour à Franz Kafka. Les textes de Jesenska témoignent de son époque et d’une société pragoise effervescente et trouble, comme le font les récits, articles et romans de tout temps. Et outre les diverses anecdotes et illustrations qu’elle dépeint avec acuité et un talent certain, ce qui m’a le plus interpelée ce sont deux phrases, à la fin du livre, qu’on pourrait tout aussi bien accoler à notre actualité :
« Et c’est alors que j’ai compris que, dans la vie des hommes, la politique est tout aussi importante que l’amour. […] Et tant que les gens qui se refusent absolument à faire de la politique ne considéreront pas < la politique > — c’est-à-dire < ce qui se passe > — comme aussi importante que leurs affaires privées, la grande masse des hommes se laissera ballotter avec indifférence, au gré des événements, sans se rendre compte que ces mêmes événements pénétreront dans leur maison, jusque dans les assiettes de la soupe de midi. » (Milena Jesenska, Vivre, traduction de Claudia Ancelot, Éditions Lieu commun, Paris, 1985, p. 235, 236.)
Comme la plupart d’entre vous, je ne m’intéresse que de loin en loin à la politique, je n’entends rien à l’économie et connais à peine le nom des ministres et élus des différents comtés du Québec sans parler de ceux du vaste Canada. Nous savons tous, ça c’est facile, qu’il y aura des élections fédérales en octobre. Nous savons tous, ça c’est facile, que les Conservateurs sont au pouvoir depuis près d’une décennie. On entend dire, de ci de là qu’il faut les remplacer, sans trop savoir par qui et surtout pourquoi. Ce qui est clair pourtant c’est que ces gens (les Conservateurs) travaillent davantage pour l’économie (celle avec un grand E, pas la nôtre) et le patronat et la défense et les gaz bitumineux et plein d’autres affaires auxquelles, pauvres plébéiens que nous sommes, nous n’entendons rien bien sûr. En revanche, ce que je sais, entends, comprends c’est que des organismes communautaires se font couper de déjà maigres vivres, que des artistes (poumons et cœur d’une société) ne reçoivent plus de subvention, que des réfugiés ne trouvent pas refuge en notre terre d’accueil, que des routes restent éventrées pendant des années, que trop de gens ne travaillent pas depuis trop longtemps… J’arrête là une liste qui aurait le tort d’être à la fois longue et déprimante.
Quant à moi, je suivrai le conseil de Félix-Antoine Savard et voterai aux couleurs orangées de l’automne. Pas pour faire changement, mais dans l’espoir qu’un peu plus d’humanité et de bonté traverseront le cœur, l’esprit et l’action de ces nouveaux élus, hommes et femmes qui se disent démocrates.
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