Par Marie-Andrée Brière
Le très beau et touchant documentaire de Fernand Dansereau, que nous présentait le Cinéma du lac en septembre dernier, ne nous laisse pas indifférents, loin de là. Il soulève en nous un tumulte d’émotions, un tressaillement, un questionnement qui se prolonge, une fois le film fini. D’une facture conventionnelle, la musique et les scènes tournées en nature contribuent à lier les propos des participants. Le film bouleverse le plus intime en nous, notre marche vers le vieil âge, notre marche vers la mort. Fernand Dansereau lève le voile sur ce sujet si émotif qu’on ose à peine y penser. Pourtant, c’est de notre fin inéluctable à tous qu’il est question. Chacun de nos pas dans la vie est vieillissement, nous faisant progresser sur le chemin de la mort. D’entrée de jeu, le cinéaste nous place devant des questions crues, celle du deuil dans la vie, celle de la perte avant la mort d’un être cher atteint d’Alzheimer, celles de la souffrance, de la douleur, de la mort. La mort dans la vie, le deuil du vivant, avouez que cela suscite réflexion.
Quand le grand âge impose la déchéance physique, et parfois mentale, y a-t-il moyen de garder espoir face à la vie qui s’étiole ? Ici, pas d’apitoiement, pas de mièvrerie, mais un regard et un langage franc. Un propos qui affronte la réalité de la vieillesse, de la fin de vie et des difficultés parfois cruelles qu’elle impose. Le cinéaste consulte des experts, psychologues, thérapeutes, accompagnateurs de fin de vie, prêtre, moine… Tous ont une vision nuancée, pas de discours uniforme, pas de recette gagnante. Le vieillissement et la mort sont après tout des événements personnels, et chacun, qu’il le veuille ou non, devra les vivre. On ne peut qu’offrir soutien et accompagnement.
À ces amis cinéastes, Dansereau pose la question de leur vieillesse, et aussi celle de leur mort. Comment acceptent-ils de vieillir ? Et surtout, comment envisagent-ils leur fin ? Certains sont croyants, d’autres non, mais tous espèrent, désirent qui de vivre un peu plus longtemps, qui de vivre après, autrement. Le réalisateur tourne autour du sujet avec ses interlocuteurs, il explore avec délicatesse le regard du chrétien, du bouddhiste, de l’Amérindien comme de l’athée.
Fernand Dansereau est souffrant et la souffrance le trouble ; il trouve lourd à porter, jour après jour, le mal physique qui l’habite. D’autres invités dans ce documentaire ne souffrent pas, c’est à peine s’ils sont conscients qu’ils sont déjà vieux et qu’ils marchent inéluctablement vers la mort. D’autres sont très malades et vivent leur condition avec lucidité, d’autres encore mourront pendant le tournage du documentaire.
Alors, que dire de l’espérance ? Le titre du film n’est-il pas Le vieil âge et l’espérance ? Dansereau n’aborde pas directement ce thème, pourtant, il est sous-jacent à tout le film. L’espérance nécessite néanmoins réflexion, car elle n’a pas le même sens pour tous ! D’aucuns espèrent ne pas vieillir, ne pas souffrir, d’autres encore ne pas mourir. Qu’est-ce que l’espérance, alors ? Est-ce le besoin que nous avons de ne rien perdre, cet attachement à nos biens, à nos amis, nos amours, à la vie ? Ou s’agit-il de celle de vivre après notre mort, de poursuivre le voyage, de retrouver nos proches, nos êtres aimés dans l’au-delà ? Dans ce film, un adepte du zen nous rappelle qu’espérer est un signe d’attachement et que, pour atteindre notre finalité qu’est la mort en toute sérénité, il faut nous détacher. Nous avons un long chemin à parcourir…
Ce documentaire est le dernier d’une trilogie sur le vieillissement, après Le vieil âge et le rire et L’érotisme et le vieil âge. À l’âge vénérable de 91 ans, c’est le testament documentaire de Fernand Dansereau. Ce grand réalisateur mérite un grand prix pour avoir osé aborder un sujet aussi délicat avec autant de finesse. Bravo, Monsieur Dansereau.
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