Par Mylène Croteau
Se goinfrer. Assouvir un appétit inapaisable. Rassasier une envie irrépressible d’engloutir des tonnes de calories. Immédiatement. Soulagement de courte durée. Alternance entre des périodes intenses de privation et des orgies alimentaires. Récidive. Retour à la case départ, flanqué d’un vif sentiment de honte. Car, pour les personnes ayant des troubles alimentaires de type anorexie ou boulimie, passer une partie de sa vie la tête vers le bas, à voir le fond des cuvettes, est une posture contradictoire puisque l’humain a une colonne vertébrale suffisamment solide pour le maintenir en position verticale la majeure partie de la journée.
En elles et eux, une guerre intestine se livre quotidiennement le combat furieux d’un acte pourtant si naturel : celui de s’alimenter trois fois par jour. Comment esquiver au moins un repas par jour sans susciter le questionnement chez les pairs ? La matière grise devient soudainement en activité cérébrale intense : émergent alors des stratégies permettant de réduire davantage la consommation d’aliments ou d’intégrer avec plus de vigueur des activités physiques stimulant une prise de poids effarante. Ces personnes, dont l’image corporelle est déformée, s’enfoncent dans un abysse où les spectres blafards des aliments dits défendus sont leur ultime compagnie.
Ces personnes ne sont pas que des dingos égarés, metteur(e)s en scène d’une pièce de théâtre jouée par des actrices et acteurs fluets, se percevant comme grassement ventripotentes. Elles sont animées par des passions, carburent à la projection de leurs projets, titillées par des préférences et émues par ce qu’elles ont choisi de trouver digne d’intérêt. Elles ont besoin d’aide mais peuvent passer inaperçues, se confondant parmi les dictats de l’image idéale forgée par l’humain.
(NINO FERRER : Chanson Le Sud – 1975) Il y a plein d’enfants qui se roulent sur la pelouse. Il y a plein de chiens. Il y a même un chat, une tortue, des poissons rouges. Il ne manque rien. Monsieur Nino Ferrer, des enfants jouant gaiement ? De surcroit des chiens, un chat, une tortue et des poissons rouges ? Wow ! Il ne manque rien ? Il pourrait manquer l’assurance, pour ces personnes, de ne jamais plus couler à pic dans le fleuve des troubles alimentaires.
On dirait le Sud. Le temps dure longtemps. Et la vie sûrement. Plus d’un million d’années. Et toujours en été. Des températures chaudes et des brises tièdes. Ce qui inspire à la quiétude. Et peut-être à l’abandon de comportements alimentaires atypiques. Hélas, pour bon nombre de naufragés de l’amer frichti, la guérison n’est pas magique. Bien que la durée de l’apaisement soit temporaire, les troubles alimentaires équivalent à un baume puissant, procurant de façon éphémère une solution pour mieux gérer des événements ou situations plus stressantes, par exemple.
Les mots de leur faim, ces maux que l’on préfère taire, mais qui accablent en silence ceux et celles qui livrent un farouche combat pour la fin de leur calvaire alimentaire.
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