L’Humeur buissonnière

Lors d’une entrevue à la radio, le journaliste Stéphan Bureau, avec le sens de l’autodérision qu’on lui connaît, a eu cette boutade concernant ses talents en rénovation : « Quand je dois changer une ampoule, ironisa-t-il, je déménage ». Un mot d’esprit auquel je me suis tout de suite associée, reconnaissant là mes maigres aptitudes dans le domaine de la construction et des travaux manuels. C’est sans doute pourquoi j’érige le savoir-faire des autres en la matière au niveau de l’art, voire carrément de la magie. Bâtir devient un acte surnaturel relevant d’une lointaine force occulte. Je plaisante à peine.

Ce jour-là, en faisant ma marche, je croise des amis en train de faire un « bee » pour monter une serre. J’observe les personnes, les échafaudages, les outils, les matériaux, et vois s’ériger une sculpture ; je vois des artistes à l’œuvre. Les mêmes, toujours, qui créent de la beauté à partir de rien. Il serait faux cependant de prétendre que ça ne part de rien. Tout ça est l’apprentissage d’une vie, bien sûr. À l’instar d’une chorégraphie ou d’une musique, dans la conception d’un atelier, d’une grange, d’un jardin, une réflexion s’impose, des valeurs s’exposent, révélant l’âme et la pensée des êtres, des lieux, des objets.

Photo par Dyane Raymond

D’abord l’entraide, la générosité, la gratuité dans la participation de chacun. Ensuite, l’objet comme tel, la serre offrant un espace de confort aux végétaux nourriciers, à une autosuffisance précaire, à une possible utopie. Finalement, peut-on considérer un bâtiment en tant qu’œuvre de bonté ? Pourquoi pas ? Tout geste porté au secours d’un assainissement terrestre ne peut être vain. Ne pas croire, ne pas adhérer à cette conviction aujourd’hui ne relève-t-il pas d’un cynisme ou d’un aveuglement outrancier ?

Édifiée attentivement et avec amour de la nature et du prochain, survivant à ses bâtisseurs, cette serre profitera, aujourd’hui et pour longtemps, à des femmes et des hommes de bonne volonté.

J’ai toujours placé l’art au centre de mon existence parce que, pour moi, c’est dans la création que la vie prend son sens. Parce que, dans l’action et le geste, il y a de la liberté, de l’ouverture, de l’écoute. Que fera-t-on pousser dans cette serre ? Des tomates, du basilic, des aubergines, etc. De quoi faire une belle ratatouille… ou une bonne sauce à spaghetti ! Bon temps de récoltes, à toutes et à tous.

Dyane Raymond
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