Les gens comme les œuvres de création possèdent de multiples facettes et, selon l’angle adopté, on en voit toujours plus ou moins qu’une partie. Cette œuvre de Francine Leduc en est un bon exemple, je trouve. Car d’où qu’on la regarde, on y découvre des formes, des textures, des intentions, du mystère. Francine Leduc est une sculpteure aguerrie, artiste, jardinière, fermière, mère, grand-mère, peut-être plus, j’ai perdu le fil, j’avoue, de sa lignée ; et un peu chamane, suis-je tentée d’ajouter. Son travail ressemble à une marche en forêt, sinueux, tortueux, lumineux, parfois étrange, là où les repères sont moins faciles à décoder ou au contraire si révélateurs qu’ils en deviennent troublants. Toujours, en revanche, beaucoup de sensualité et d’allégories, teintées d’ésotérisme parfois, dans ses histoires racontées au fil des formes, comme autant de contes, d’incantations, de prières. Des matériaux de la nature, terre, branches, pierre, fer, plumes, os. Tout ce qui traîne de beau dans les bois avoisinants et autour d’elle, en somme.
Je connais Francine Leduc depuis plus ou moins une trentaine d’années ; les personnes, l’art ou le bon vin se bonifient avec l’âge, on apprend, découvre d’autres angles, des courbes, des arômes ; on entend des voix et le souvenir d’une fête émerge comme un bruissement ; surgit le chat sur la galerie et le soyeux des fleurs de son jardin se révèle. Va savoir d’où ça vient, tout ça. Dans la chronique précédente, je parlais du fait de vivre avec une œuvre d’art ; car si l’œuvre nourrit son créateur (à ne pas prendre au sens littéral cependant), elle fait grandir celles et ceux qui la côtoient au quotidien, imperceptiblement, secrètement, assurément. Cette sculpture habite un lieu qui m’est cher, elle n’est ni un meuble, ni un bibelot, ni une décoration, et, bien qu’installée à côté du piano, devant les grandes fenêtres du jour et de la nuit, elle irradie dans la maison et au-delà des murs comme de la musique. Elle recueille des secrets, des intimités, des silences, des humeurs, des allées et venues. Va savoir où elle emmène tout ça.
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