Tout à coup l’absence. Pas tout à fait le silence mais un mouvement sans bruit. Le livre s’est refermé. La porte s’est refermée. Le voyage a franchi la frontière. L’année s’est terminée. Dans le silence de la nuit brumeuse. Dans les houlà, les rires et les embrassades. Dans les trop et les vides. Arrêt sur image. On met la manette sur pause – non pas ce bouton-là chéri, l’autre. On traverse à gué, en nageant, en marchant, en roulant sur un tracteur, en filant sur une motoneige, en volant, en s’évadant.
Dans les villes et les villages, des dizaines, des centaines de gens vont et viennent ; des visages se croisent, se saluent, se sourient, dévient leur regard vers l’ailleurs, vers l’intérieur, vers un outside, dirait Duras : « De temps en temps j’écrivais pour le dehors, quand le dehors me submergeait, quand il y avait des choses qui me rendaient folle, outside, dans la rue – ou que je n’avais rien de mieux à faire. Ça arrivait ».
« J’étais chaque jour ce que j’inventais. », écrit René Frégni. Celui-là m’a quittée très récemment, Minuit dans la ville des songes. Celui-là ? Le livre ou l’auteur ? Je dirais l’auteur, car même si c’est un livre que j’ai fermé, c’est une personne qui me manque. Sa vie que je n’ai pas partagée, une vie que je ne connaîtrai pas, loin de toutes mes audaces, de toutes mes alliances. J’ai fermé son livre et j’ai ressenti l’absence. Bien sûr, il y a d’autres textes, que je lirai, mais ce temps, maintenant, j’en ressens l’effacement.
Cette chronique est buissonnière. Elle dévie de ses axes, de ses trajectoires. Les errances, les contemplations sont des chemins d’apprentissage. Aucun apprentissage n’est simple ou facile, l’avancée reste inconnue. On sait comment faire pousser une graine, comment réparer une mécanique ; sait-on comment être là ? Sait-on comment appartenir au monde ?
Monique Proulx : « Tu t’installes à l’endroit où tu es le monde, et où le monde devient toi. On appelle ça aussi le silence, un moment où tout est neutre et possible, tout est réuni, juste avant que les particularités se dessinent ».
Je dirais : voilà ce que je suis là maintenant en ce janvier 2023.
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