« Quand j’aime une fois, j’aime pour toujours », chante Richard Desjardins. Les mots de ce refrain me semblaient à la fois un peu surannés et clichés lorsque je les entendis les premières fois. Après, on réfléchit. Au sens des mots, à leur portée, à leur poésie. On les sort de leur contexte, les ramène plus près de nous, plus près de notre imaginaire propre, de notre intimité, de notre amour. Et on les comprend mieux.
L’autre jour, je suis allée visiter ma vieille mère au CSHLD où elle habite. Nous nous sommes installées sur la grande terrasse pour profiter des dernières belles chaleurs de l’été.
Nous avons vite été rejointes par un monsieur (Maurice, 82 ans) venu, comme à chaque jour, voir sa femme (Marielle, 79 ans) qui souffre de la maladie d’Alzheimer. Ils fêtaient ce jour-là leur 60e anniversaire de mariage. Le monsieur était en verve et m’a raconté sa — leur — vie tout l’après-midi. Ma Carmen somnolait plus ou moins dans son fauteuil roulant et la madame arpentait le balcon de long en large. Il faisait chaud, il y avait un petit vent très doux. J’écoutais cet homme seul me parler de la femme qu’il aime et qu’elle ne reconnaît plus et j’éprouvais pour lui une sympathie affectueuse, car c’est ce qu’il dégageait : beaucoup d’amour… et de tristesse.
L’autre jour, j’ai reçu mon ami Benoit, alias Jonasz, à souper. Nous ne nous étions pas vus depuis plus de deux ans. On a ri, on s’est serrés dans nos bras, on a parlé, argumenté, philosophé. On a mangé de la bonne morue, bu du bon vin, grignoté un vieux cheddar, croqué quelques morceaux de chocolat noir en dessert. Puis il est reparti chez lui, retrouver la femme qu’il aime, avec qui il vit, avec qui il voyage, avec qui il roule à bicyclette, avec qui il parle de tout et de rien…
Ça faisait deux ans que nous ne nous étions pas vus. Ça faisait cinq minutes. Ça faisait une éternité.
Il aura 80 ans en 2015. Ce bel amour de mes 20 ans.
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