La photo de Charlie cette fois encore évoque chez moi différentes idées. La limpidité de la lumière me fait penser à la transparence des pensées et des gestes, un thème, vous le savez, qui m’est cher. La sérénité du paysage me rappelle que paix et lenteur valent mieux que force et rage. Et le lieu en lui-même, que j’aime d’amour, me ramène à une entrevue entendue récemment de Jacques Brel. De laquelle j’ai retenu principalement deux choses : le fait qu’il exprimait son besoin féroce d’aimer, alors qu’être aimé lui importait peu finalement ; puis, que lorsqu’il entreprenait une action, il s’y donnait entièrement, à fond. Comme ma collègue L., plus sage et philosophe qu’elle ne le pense, qui me disait l’autre jour qu’elle était beaucoup trop accaparée par son travail pour s’attarder aux clabauderies et autres chicaneries.
Ce qui m’a amené cette réflexion : je ne crois pas au bonheur, qui pour moi est un leurre. Mais je sais en revanche que la vie passe trop vite pour perdre son temps à maudire et à médire. Je ne m’efforce donc pas dans mon quotidien de trouver le bonheur ou d’être heureuse, mais bien d’en goûter la substantifique moelle. Et si, dans mon travail par exemple, je ne peux monter à bord du bateau ivre de la poésie ou me laisser porter par quelque contemplation philosophique que j’affectionne tant ; je l’aime, ce boulot, et j’y suis bien. D’abord, parce qu’il me permet de vivre, ce qui en soi est déjà pas mal, et surtout parce que j’ai l’opportunité, ce faisant, de rendre service à Amélie, de seconder Mario, d’aider Marie-Hélène, de soutenir Bertrand, d’avoir de belles discussions avec Jean-François… Je ne recherche nulle gratification et encore moins un quelconque pouvoir, mais aimer, ça oui, « même trop, même mal ». Je ne me soucie guère de ce qu’on peut penser de moi ou de l’image que je projette, toutefois, ce qui me rendrait triste ou déprimée, voire angoissée, serait de me sentir ou de me savoir inutile. De n’avoir plus suffisamment de cœur ou d’imagination pour donner quelque chose ; plus, mieux. Je ne suis pas une sainte, oh non ! j’ai un fichu caractère, « pas reposante », diront ceux qui me connaissent bien, mais par chance je peux « voir dans le vent qui hurle les étoiles rire, et rire ». Me permettant ainsi d’emprunter à Symon Henry un extrait de sa si belle œuvre. Pour que la joie demeure…
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