Je suis assise. Je regarde la photo de Charlie, trois oiseaux sur une mangeoire. Trois soleils qui percent la glaçure de l’hiver. Je dois écrire ma chronique pour le prochain numéro, donc, je suis assise et je regarde la photo de Charlie. Rien d’autre, pas de gestes brusques, pas de mouvements, pas d’allées et venues, pas d’affaires à faire, autres qu’être assise à regarder les oiseaux de Charlie. Pourtant ma liste de « to do » est sans fin. À tel point que j’ai l’impression que le temps n’existe pas, que je suis hors temps, comme certaines images sont hors champ. Malgré cela, je suis assise devant la photo de Charlie, devant trois oiseaux comme trois soleils et je ne pense à rien. Ni même à écrire ou à penser. Mon regard, mon corps, mon esprit se perdent dans la Beauté. J’en parlais la dernière fois. À ce moment-là, j’étais dans la lenteur, je glissais sur un ruban de velours blanc en admirant le temps. Mais les vacances sont finies et le temps s’est enfui, poétiserait le poète. Et je suis là, assise à ne rien faire. À regarder des oiseaux sur une photo. Je pourrais dire que l’art réussit à accomplir de tels tours de force. Je pourrais dire que je suis en train de m’inspirer pour mieux écrire ensuite cette chronique que vous êtes en train de lire. Mais la vérité, c’est que je ne fais rien. Je regarde les oiseaux sur la photo. J’entends mon chéri jouer du piano et, en ne pensant à rien, je ressens l’émotion.
C’est février, y gèle, y mouille ; « ma mie, l’hiver est à l’envers », chantait J.-P. Ferland, se souviendront certaines et quelques-uns ; « je reviens chez nous », avec vous, auprès de qui je suis en écrivant ceci, pendant que nous regardons ensemble trois gros-becs errants sur une photo, en ne faisant rien.
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