Ils s’avancent par bandes. Ils sont huit. Parfois en groupe de quatre. Parfois tous ensemble. Je parle des dindons sauvages qui ont vidé nos argousiers devant la maison de leurs baies orangées et grappillent maintenant autour des mangeoires à la recherche des graines de tournesol tombées par terre. Ils grattent élégamment la neige pour dénicher les précieux aliments en cette fin d’hiver difficile.
Hier sur le trajet Montréal / Saint-Jacques, j’écoutais un livre audio sur le lecteur cd dans l’auto : Le Banquet de Platon lu par Michel Aumont. Un récit qui propose un dialogue de Socrate avec ses disciples sur Aphrodite, déesse de l’amour, à l’occasion d’un banquet pour fêter le dramaturge Agathon. En regardant les dindons ce matin, j’ai pensé à eux, ces philosophes qui, au cours d’un souper, discourent sur la noblesse de l’amour, de la sexualité entre les hommes et les femmes, entre les hommes et les hommes. Je regardais les dindons, dignes, barbichus, leur plumage chatoyant qui, à l’instar des philosophes, les pare d’élégance et de prestance.
L’amour, oui, serait bien une question d’élégance. Élégance des sentiments, élégance de l’attention que nous portons à l’autre, élégance de la bienveillance que nous lui accordons. La semaine dernière, j’ai revu des personnes que je n’avais pas vues depuis longtemps, amies de longue date. D’abord Line, une femme qui me fait penser à un vent venu du fleuve par une chaude journée d’été. Puis Geneviève, la poète, celle dont les mots sont une main posée sur l’épaule de la clairvoyance et de la tendresse.
Je voulais parler des dindons. Qui m’ont amenée à penser aux philosophes. Mais c’est l’élégance qui m’importe. Celle des grands musiciens comme Jean Derome et son trio Évidence qui ont offert un extraordinaire « Marathon Monk » (hommage à Thelonious Monk), la semaine dernière à Montréal dans un petit local presque anonyme. Celle de Serge Giguère, dont je vous parlais le mois passé, qui s’efforce à travers ses films de reconnaître et démontrer la valeur et l’importance de « remarquables oubliés », dirai-je paraphrasant Serge Bouchard. Celle de mon ami Paul qui s’applique à faire de sa vie une œuvre d’art et qui y réussit.
L’élégance de tous ceux, bénévoles et abonnés, qui font du Cantonnier un journal de bonnes nouvelles et de belles valeurs. Merci à vous tous d’être là, amis, collaborateurs, lecteurs.
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