Nos clés: pour s’enfermer ou pour ouvrir

Nos clés: pour s’enfermer ou pour ouvrir

Par Danielle Perrault

Mon père, Louvain, était un grand voyageur à une époque où peu de gens voyageaient.

Il en distinguait deux sortes: les touristes et les voyageurs. Les touristes sont des consommateurs, ils prennent, profitent, renâclent, dédaignent parfois et jettent disait-il. Ce sont des passagers, des voyeurs, ils ne laissent aucune marque de leur passage, à peine s’ils effleurent ces mondes qu’ils visitent. Les voyageurs quant à eux s’imprègnent de la réalité des mondes qu’ils traversent, ils adoptent leurs habitudes, s’habillent, mangent comme eux. Ils entrent dans leurs maisons, y dorment, échangent, apprennent la langue des habitants. Ils sont ouverts, curieux et bienveillants. Ce sont des apprenants. Ils reviennent enrichis et transformés. Leur nouveau savoir s’inscrit dans leurs cellules et approfondit leur intelligence, celle du cœur et de l’esprit.

Mon père avait fait le souhait que sa maison soit ouverte à tous, incluant les voyageurs perdus, qui n’ont aucune place où se réfugier. Il ne tolérait pas que l’on ne barre ni notre maison ni notre voiture, au cas où un voyageur égaré aurait besoin d’aide ou d’un refuge.

Petite fille, pas un seul matin où je me levais sans aller m’assurer qu’un voyageur n’aurait pu en profiter et passer la nuit dans notre salon. Excitation au réveil, suivie immédiatement d’une déception.

Louvain, philosophe, me disait que c’était aussi bien ainsi, car cela voulait dire que personne n’avait eu besoin de nous cette nuit-là. Aucun drame à l’horizon, mais il fallait toujours être prêt pour accueillir, me disait-il, on ne sait jamais.

Les voleurs ne reculent pas devant une porte fermée, une porte ouverte est plus sécuritaire, elle les fera plutôt fuir.

Un idéaliste? Je dirais que c’était un humaniste. Je préfère les cœurs ouverts aux cœurs fermés. On apprend tellement plus grâce à eux. Noël est une invitation à accueillir et à recevoir. Que ferez- vous avec vos clés?