Par Danielle Perrault
Y a-t-il des émotions proscrites dans votre vie, que vous avez appris à étouffer ? Qu’il vaut mieux ne pas montrer ? Si elles sont toxiques, comme la colère, la frustration, l’irritation, la peur, le stress, sachez qu’en les retenant, elles vous empoisonnent. Chaque émotion produit une cascade de réactions biochimiques qui influencent nos pensées, et par là notre comportement.
Quand on laisse s’installer une émotion des heures et des jours, cela devient une « humeur ». Si elle dure plusieurs semaines ou plusieurs mois, cela devient un « tempérament », et si elle se prolonge plusieurs années, cela devient un trait de personnalité. Elles sont créées par les réactions face à nos expériences passées.
Un jour, je fus envahie d’une grande colère. J’avais créé ma propre maison d’édition pour être sûre que ma création soit diffusée à mon rythme. Je voulais être libre. Quand je suis allée récupérer le premier prototype d’un de mes contes, le rendu était d’une telle laideur… et le prix que je devais payer, tellement exorbitant !!! Tant de travail pour ça !!!! Déçue, choquée, blessée, impuissante et furieuse, j’avais l’impression de m’être fait arnaquer. Il est rare que je sois en colère. J’arrive généralement à la pondérer. J’évite, autant que faire se peut, d’éclabousser mes semblables. Cette fois-là, la colère ne décélérait pas. Un feu était en cours. Mon visage était crispé, mes yeux éjectaient de la lave.
Et tout d’un coup, je vis surgir le visage d’une femme que j’avais bien connue. Je réalisai qu’on avait la même expression. Les plis de sa colère retenue s’étaient imprimés sur sa figure. C’était une femme simple, travaillante, courageuse. Issue d’un milieu extrêmement violent, elle avait répété son histoire avec un homme qui lui avait ensemencé cinq enfants et l’avait quittée. Elle les a élevés seule en travaillant comme serveuse, ménagère, cuisinière, couturière et autres métiers peu reconnus et mal payés. Une femme remplie de talents, débrouillarde comme pas une. Elle savait tout faire. Son défaut était la critique. Elle critiquait tout le temps. Son visage en était ravagé. C’est là que j’ai compris son histoire de l’intérieur. Pour le reste du trajet qu’il me restait à faire pour rentrer chez moi, j’ai emprunté sciemment cette fois, mais sans ressentir la colère, les traits physiques qui y sont associés. J’ai vu son enfance, empreinte de peur et d’impuissance, tracer ces lignes indélébiles qui se sont effacées de son visage le dernier jour de sa vie. J’y étais. Elle profitait de ses derniers instants sur terre pour voyager. D’autres auraient dit qu’elle rêvait, mais à chaque fois qu’elle se réveillait, elle me racontait ses voyages. Tous ses traits étaient détendus, effaçant les rides creusées par ses désespoirs et ses limitations, elle souriait, enfin libre. Elle était si belle. Rejoignant son âme, son corps se délestait des rudes chemins terrestres qui avaient buriné son visage et ravagé sa chair.
Le corps capte notre environnement. Il produit des réactions biochimiques en lien avec les émotions suscitées. Elles s’impriment sur notre visage et créent des tensions dans notre corps. Si on change la perception d’un même événement, on transforme sa chimie personnelle. Nous pouvons donc penser devenir capables d’influencer nos propres humeurs… et d’agir pour modifier notre biochimie.
Prenons conscience de nos émotions négatives, et de grâce, laissons-les circuler, sinon, elles deviendront vite notre prison, et nous, en les retenant captives, nous deviendrons notre propre geôlier. Vivre sa vie en devenant responsable de nos humeurs procure un sentiment de liberté.
Danielle Perrault, psychologue et autrice de plusieurs contes thérapeutiques, des livres « Guérir de son histoire » et « Une histoire, ça se guérit » et de 10 balados sur la santé mentale « À l’écoute de soi », accessibles sur le net
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