L’Humeur buissonnière

L’arrivée d’un paquebot : soirée. William Turner, Cologne 1826, The Frick Collection, New York. Photo d’une reproduction par Michel Clément

Je n’étais allée à New York qu’une fois avant d’y retourner à l’automne 2018. Je revenais d’un voyage épique à San Francisco au début des années 1980. Cette fois-là, alors que je me laissais guider dans les méandres du métro par un New-Yorkais pure pomme, l’amour farouche qu’il vouait à sa ville m’avait intriguée. Pressée de rentrer à la maison, ou peut-être aussi trop jeune, je n’avais pas su voir cette cité unique, pas su capter le pouls de ce cœur emballé. Bien des années plus tard, c’est en lisant 4 3 2 1, l’imposant roman de Paul Auster, autre amoureux fou de New York, que je pris la résolution d’y retourner. Ce que je fis quelques mois plus tard. Dans ce roman, un des protagonistes visitait régulièrement un musée qu’il affectionnait particulièrement, ancienne résidence de la famille d’Henry Clay Frick, contenant une impressionnante collection de sculptures et peintures de maîtres anciens, ainsi que de nombreux meubles et objets d’art décoratif européen, sans parler des jardins et cours où le visiteur moderne se trouve transporté aux XVIIIe et XIXsiècles, bien loin de nos préoccupations actuelles. Ma visite dura des heures tant j’étais éblouie et fascinée par ce que je voyais, et c’est quand je me suis retrouvée devant cette toile grandeur nature de William Turner que je sus précisément ce que j’étais venue faire dans cette extraordinaire ville. Ç’aurait pu tout aussi bien se produire en mangeant ce bretzel oversize sur Broadway ou devant la statue de Duke Ellington surplombant l’extrémité nord de Central Park. Toute la magie du voyage réside pour moi dans ces instants de grâce d’apparence si banale parfois qu’ils pourraient presque passer inaperçus. Mais je m’égare. Car c’est de J.M.W. Turner dont je voulais vous entretenir aujourd’hui, la force et la douceur, l’audace et la profondeur de son art. La lumière bouleversante des paysages qui donne le sentiment qu’on peut les traverser tant leur transparence est sublime, pour reprendre le mot employé pour décrire l’exposition qui lui est consacrée en ce moment au Musée national des beaux-arts de Québec jusqu’au 2 mai. Sans parler de la collection permanente du musée, dont la fresque L’Hommage à Rosa Luxemburg de Jean-Paul Riopelle vaut à elle seule le détour. Et puis une petite balade à Québec, c’est toujours plaisant, non ?

Dyane Raymond
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