L’Humeur buissonnière

IVUJIVIK en 2014, village d’environ 400 âmes, libre de glace moins d’un mois durant l’été, accessible par voie aérienne seulement (Photo par Sylvain Bessette)

Je vous écris par une de ces journées de froid intense que nous avons connues dernièrement. Ce froid âpre et dur (selon les mots que j’emprunte à mon collègue Georges), rempli de lumière et d’une dangereuse beauté, m’a fait penser à Tanya Tagaq née à Ikaluktutiak au Nunavut en 1975. J’ai vu, il y a quelques semaines, le film qu’elle a coréalisé avec Chelsea McMullan, Chasseuse de sons (ONF), dans lequel elle exprime à la fois son art, sa vie, ses valeurs, l’histoire de sa famille et de son peuple. Tagaq est, entre autres, une performeuse musicienne exécutant en solo le chant de gorge, qui traditionnellement est pratiqué par deux femmes face à face qui chantent et se répondent jusqu’à ce que l’une d’elles éclate de rire. C’est une artiste d’avant-garde, multidisciplinaire ; j’ai aussi lu le récit qu’elle a publié chez Alto, Croc fendu. Maintenant qu’on accorde une meilleure visibilité aux peuples autochtones, comme bien du monde, je découvre — enfin ! — des sociétés fières, éduquées, structurées, blessées il va sans dire par des siècles de domination et de colonialisme brutal, ayant néanmoins conservé cette part de noblesse acquise dans le respect de leurs traditions et de leur culture. Au prix fort. Et qu’elles doivent sans cesse défendre, encore aujourd’hui.

Mais ce n’est pas là que je voulais aller. En fait, je ne voulais aller nulle part, si ce n’est dans le froid âpre et dur qui sévit aujourd’hui et dans la courageuse beauté qui vient avec. Un beau mot courage dont l’étymologie renvoie à cœur, à la force d’âme qui mène à une certaine paix, un certain apaisement dans la tourmente des tempêtes, des aveuglements ; là où se trouve l’art d’apprivoiser et d’accumuler assez de détente et de calme pour vivre en paix.  Là où il n’y aura plus de durcissement, de rigidité, d’obstination, mais seulement la promesse du printemps. Là où le pouvoir, la cupidité, la bêtise seront ravalés au rang des inepties les plus plates.

Là où on peut enfin, en plein cœur de février, s’installer devant le feu, écouter la musique, regarder dehors le blizzard bizarre former des volutes qui montent au ciel… jusqu’au pôle Nord.

Dyane Raymond
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