Comme beaucoup de gens, je visite avec plaisir musées et galeries ; les œuvres d’artistes engagés, grands maîtres ou inconnus me nourrissent et m’enchantent. J’ai raté de peu l’exposition de William Turner au Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ) ce printemps et m’en désole encore.
J’apprécie fort, par ailleurs, être entourée des tableaux de personnes que j’ai eu la chance de connaître, de rencontrer ou de côtoyer. Ainsi, Priscille Martel et Marcel Lafleur se rappellent à moi au fond de leur rang à East Broughton quand mon regard traverse les féeriques paysages de leurs aquarelles, même chose pour les œuvres de Chantal Auger, Louise Laurin et Francine Leduc de Sainte-Hélène dont je vous parlais il y a quelques mois ou pour la gravure de Jean-Pierre Sauvé qui nous accueillit dans son séduisant village de Port-au-Persil l’année dernière. Et puis ce matin, en cherchant le sujet de cette chronique, mes yeux se sont posés sur la toile de Jenny Bolduc que j’avais acquise lors de son exposition au Centre d’éducation des adultes l’Escale à Thetford en 2013, 2014 ou quelque part par là. Une toile que j’aime beaucoup et que j’ai placée bien en vue dans ma cuisine pour l’avoir sous les yeux le plus souvent possible, tout comme d’ailleurs la gravure de Danielle Broué (voir Cantonnier d’avril).
Ce tableau de Jenny Bolduc me touche pour plusieurs raisons, d’abord l’artiste, une belle jeune femme à qui j’ai brièvement enseigné à l’Escale dans le temps, d’une vulnérabilité un peu bourrue, sans filtre et sans reproche. Ensuite, parce que ce paysage à la fois lunaire, lacustre et luminescent est pour moi une évocation magnifiée de solitude et de paix ; tandis que la chaleur est ailleurs, à l’intérieur, cachée, secrète, intime. Et finalement, parce que cette toile, qu’on pourrait peut-être qualifier d’art brut, a été exécutée avec naturel, simplicité, avec la franchise d’un geste vrai, sans autre intention que le geste lui-même ; quand ce n’est pas la grande maîtrise ou la technique sans faille du médium qui prime, pas le message ou l’intellectualisation de l’objet qui est mis de l’avant. Lorsque je regarde cette toile, j’y vois le miroir sans fard d’une nuit d’automne dans le fond du bois, traduit avec une merveilleuse maladresse — c’est un compliment.
Peindre est un acte cathartique, sans contredit. Pas seulement pour les artistes qui y trouvent souvent leur rédemption. Pour toute personne qui porte une attention sensible au Vivant. Alors, lectrices et lecteurs du Cantonnier, on sort nos pinceaux… ?
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