L’Humeur des paysages

Par Dyane Raymond et Charlie McKenzie

Ne rien prendre pour acquis. Ainsi pourquoi le plus beau voyage ne se ferait-il pas à bord d’un bateau au milieu de la forêt ? Je ne parle pas seulement de l’imagination qui ouvre les possibles. Je parle du fait que l’instant présent intervient, influence, décide du suivant. On peut penser, prévoir, échafauder des plans d’actions et en bout de ligne, au matin du premier jour, l’aube prendra une tangente imprévue et mènera la barque sur une autre rive. Laquelle ? La pluie et le beau temps décideront des récoltes. La pluie et le beau temps décideront de l’humeur des paysages. La pluie et le beau temps décideront des destinations. Ça me fait penser à ce qu’on nomme l’effet papillon, selon quoi un simple battement d’ailes de papillon peut engendrer des conséquences insoupçonnables. Ou pour le dire autrement de « petites causes peuvent avoir de grands effets » (Pauline Gravel, Le Devoir 7 novembre 2007). Les gestes que nous posons au quotidien en entretenant nos fleurs et potagers, en compostant, en recyclant peuvent paraître dérisoires en regard du grand chaos planétaire qui s’est installé depuis des décennies, voire bien plus longtemps encore. L’attention que nous portons aux bébittes qui montent, aux petites bêtes qui font peur dans le noir, aux voisins, à nos amours, sont loin d’être anodins ou futiles; ridicules clameront les cyniques;  trop peu trop tard soutiendront les défaitistes. La conscience que nous avons de l’autre, végétal, animal, humain, si elle se traduit en respect, confiance, bonté, appelez ça comme vous voulez, porte des fruits à l’aune du soin que nous leur prodiguons. N’apprécions-nous pas combien sont généreux les jardiniers et la terre quand on remplit nos sacs au marché de Disraeli, déposons dans nos paniers les produits cultivés avec amour du Village-jardin de Saint-Jacques ? Ne sommes-nous pas privilégiés d’appartenir à la beauté de notre région ?

Avec un peu d’imagination. Photo par Charlie McKenzie

Je répète souvent à mon chéri qui n’arrête jamais, qu’il faut « aussi » prendre le temps de s’amuser. Me prenant au mot, il enfourche son bicycle et part sur la belle route de Saint-Julien bordée d’érablières. Il n’avait pas roulé trois kilomètres qu’il avait déjà ramassé un plein panier de cochonneries, canettes de bière, liqueurs, bouteilles plastique de boissons énergisantes, restes de McDo, Tim Horton, sacs de chips, etc. Le geste est certainement important puisque chacun est responsable de son environnement. Non seulement de son carré de sable, mais de celui du voisin aussi. Puisque toute est dans toute, comme dirait le poète abitibien. Je me demande, en revanche, de quoi se nourrit le cœur de celui ou celle qui considère la nature comme une poubelle…

 

Dyane Raymond
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