Une merveilleuse petite guerrière

Danielle_Perrault (Photo par Michel-Elie Tremblay)

Chronique de vie : nos vies, nos histoires

Par Danielle Perrault

J’ai reçu en consultation une petite fille de dix ans. Elle était très volontaire, pour ne pas dire furieuse. Son père venait de sortir de prison. Il avait en effet battu sa mère devant elle et sa jeune sœur quand elles avaient cinq et trois ans. Les fillettes et leur mère étaient restées terrorisées, surtout que le père ne cessait de les menacer avec des ordres de la cour. Il les intimidait avec la menace d’une garde partagée. Il faisait valoir ses droits, lui qui ne les avait jamais exercés. La loi pénale et administrative a préséance sur la loi humaine. Toute une enfance peut y passer, les délais de cour pouvant être vertigineux, voire éternels.

La petite s’opposait ainsi violemment à l’ordre de la cour. Celui-ci l’obligeait à renouer avec son père qui avait obtenu des droits de visite sous supervision, menant à une garde partagée. Petite fille issue d’un milieu considéré comme honorable, elle devait cacher à tout le monde que son père était en prison. Elle mentait pour protéger son intégrité psychique.

DPJ, avocats, juges ; personne ne la soutenait. Tous lui confirmaient qu’elle n’avait pas le choix : elle devait se conformer. Sa sœur le faisait bien, elle. Cela ne faisait que décupler la rage de cette fillette et ternir le lien qui l’unissait à sa sœur. J’ai dû lui expliquer que sa sœur ne se souvenait pas de ces épisodes. Elle n’avait que peu connu cet homme. En plus, il était gentil avec elle et il la comblait de cadeaux… Elle n’était donc pas obligée de la détester pour faire valoir son irritation. Je lui ai fait comprendre que ce n’était pas utile qu’elle perde ainsi sa précieuse énergie.

Elle a d’abord fait la grève scolaire. Ses notes ont chuté. Je lui ai dit que c’était elle qu’elle punissait en agissant de la sorte. Elle a acquiescé et fit la grève de la faim. Là encore, j’ai dû la convaincre que son père gagnerait encore si elle mourait. Elle a réussi à avoir un entretien avec le juge. Il a vraiment dû être impressionné par la justesse de ses propos, mais il lui a dit qu’il ne pouvait pas changer la loi. « Un juge ? », m’a-t-elle dit, « un juge ? Et il ne peut rien faire ? »

Elle était outrée, mais cessa de l’être lorsque je lui ai affirmé, ainsi qu’à ses proches, qu’elle avait entièrement raison de se révolter. Sa situation était injuste, intenable ; personne ne respectait ses besoins. On pensait pour elle, pas à elle. Alors je lui suggérai de se servir de cet événement. Lorsqu’elle deviendrait adulte, elle pourrait tout faire pour modifier la loi pour les enfants. Son histoire, sa rage et sa détermination avaient maintenant un objectif. Cette fillette m’apprit à l’écouter et non pas à l’aider à se conformer. Quand elle revit son père parce qu’elle y était obligée, elle refusa tous ses cadeaux et ne lui cacha pas tout le dégoût qu’il lui inspirait. Quelle petite fille courageuse… Encore aujourd’hui, quand je pense à elle, et surtout à sa dignité, cela me remplit de fierté. La révolte doit servir. On doit l’orienter vers un but utile afin qu’elle ne soit pas destructrice. Elle est aujourd’hui devenue avocate en droit de la famille.

Je vous demande de propager cette histoire. S’il vous plaît, au nom de tous ces enfants qui souffrent, faites-le… les lois doivent changer, faites-la circuler, je vous en prie.

Danielle Perrault est psychologue et autrice de plusieurs contes thérapeutiques, des livres «Guérir de son histoire» et «Une histoire, ça se guérit» et de 10 balados sur la santé mentale «À l’écoute de soi» accessibles sur le net.

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