C’est arrivé. On le réalise. On l’est. Mais on l’était depuis le début

Par Mylène Croteau

Presqu’inévitablement, nous le deviendrons. On a tous une ou plusieurs personnes qui nous enflamment le cœur à des degrés divers. Ça s’installe doucement, progressivement, sournoisement, et du coup, on réalise qu’on en est devenu un. Machinalement, on faisait « à la place », on comblait les distractions, les inattentions ou certains égarements. Ça s’installe insidieusement, on est seulement heureux de rendre service en se disant que c’est normal en vieillissant, que ça arrive les petits oublis, les épisodes de « grands chercheurs » ou d’objets qui se perdent mystérieusement dans la maison, les craquements d’os fragilisés par un problème musculosquelettique ou la respiration plus laborieuse.

On fait toutes ces choses qui ont toujours paru faciles à faire, insignifiantes mêmes, car exécutées spontanément habituellement. Il est normal d’aider un pair aîné : on vieillit tous, ainsi est la vie. Qui peut échapper à la désuétude incontournable du corps ? Personne. Le temps qui passe, le temps qui reste : une dichotomie du temps immuable, qui fait que le devenir prend un sens plus ténu, plus flou, pour s’écarter à des rythmes variables pour tout individu.

Préparer un repas, ce serait-ce qu’une rôtie accompagnée d’un café. Manger. Se laver. S’habiller. Faire ses commissions. Prendre ses médicaments. Gérer son budget. Des activités de la vie quotidienne banales. Ça fait des années que l’une des belles âmes qui font rougir votre cœur le fait tout bonnement. Maintenant, elle y arrive plus difficilement. Vous le savez, vous l’avez aidée quelques heures par semaine. Désormais, ces quelques heures prélevées ici et là dans vos horaires ne suffisent plus, et vous jonglez avec vie professionnelle, sociale et personnelle. Spirale dégressive : la roue de l’équilibre grince. Les gonds et les écrous menacent de céder. Cela fait déjà quelques mois que vous avez été catapulté dans le sentier de la proche aidance, mais là, soudainement, cela vous frappe en plein visage comme une bonne gifle bien reçue, qui sonne et résonne.

Vous êtes un proche aidant, mais vous ne le réalisiez pas. N’errez pas dans ces sentiers seuls, car plus pénible sera votre parcours. Les impacts de la maladie de la personne aimée alourdiront votre démarche et pourraient même vous faire vaciller. Votre lanterne de compassion et votre fier blason de gratification ressentie dans l’acte de prendre soin d’un pair adoré seront affectés.

Ne restez pas seuls. Soyez entouré de membres de votre famille, de ceux de la famille de la personne à qui vous prodiguez avec affection des soins, ou d’ami(e)s : vous pourrez ainsi déléguer des responsabilités ou des tâches. Aussi, donnez-vous de l’oxygène afin de ventiler émotions, pensées et ressentis. Prendre soin de vous doit être votre exigence première pour poursuivre, en respectant vos limites, votre bienveillant accompagnement.

Presqu’inévitablement, nous le deviendrons, le proche aidant de nos parents ou de notre conjoint. Nul ne le souhaite. Mais les probabilités que cela arrive sont élevées. Nous pourrions être la personne qui bénéficiera de soins d’un tiers. On ne le souhaite absolument pas. Qui peut prédire dans quelle posture nous nous retrouverons ? Personne.

Cultivons l’optimisme : « Ne prenez pas la vie au sérieux. De toute façon, vous n’en sortirez pas vivant » (Bernard Le Bouyer de Fontennelle).

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