Chronique historique : Octave Lizotte, pionnier de la première heure

Par Jean-Claude Fortier et Michel Goulet

En lisant des textes écrits par monsieur Henri Doyon et son épouse, parus dans l’édition des années 1950 du Courrier de Wolfe et d’autres journaux de la région, notre attention a été portée sur des articles relatant la vie de M. Octave Lizotte, un intéressant personnage venu s’établir dans notre municipalité dès les tout débuts et qui y est resté jusqu’à son décès en 1956. Le récit qu’il fait de sa vie nous informe sur le commencement de Disraeli et la façon de vivre de ses premiers occupants. Nous avons pensé vous le présenter.

M. Octave Lizotte est né à Québec le 27 décembre 1853. Très tôt, sa famille quitte la province pour aller s’établir à Kennebunk, dans le Maine. Comme bon nombre de Canadiens français établis aux États-Unis à l’époque, il y exerça le métier de tisserand « weaver » dans les « facteries ».

À 21 ans, il revient avec sa famille au Québec et se marie à Joséphine Cassolette. Il accompagne ses parents qui avaient choisi de s’établir dans ce petit hameau qu’on appelait alors Black Creek. Il raconte qu’à son arrivée, il y avait moins de cent personnes réparties dans sept habitations, qu’il a travaillé à la construction de l’hôtel Morin et à son déménagement près de la gare en 1876, qu’il a vu le lac actuel à l’état de rivière sur une grande distance, principalement en avant du boulevard actuel (la marina), où l’on fauchait le foin (foin de mer) en été1. Il a fort probablement utilisé le bac de M. Vilmaire Brousseau pour traverser sur l’autre rive du lac et se rendre chez lui ; il habitait, au début, à la jonction du chemin de Saint-Jacques-le-Majeur et du rang Breeches. Il a été témoin de la construction de la ligne de chemin de fer et assisté à l’arrivée du premier train le 12 mai 1877. Il a connu Louis Cyr quand il est venu faire des tours de force à Disraeli au début du 20siècle.

Monsieur Octave Lizotte (1853 – 1956)

M. Lizotte a travaillé au moulin Champoux à faire l’empilage des billots de bois francs pour 40 ¢ par journée d’ouvrage de 13 heures, a charroyé sur son dos des sacs de « saale » 2 pesant 110 livres jusqu’à Saint-Julien et revenait avec un sac de farine de même poids. Il s’est spécialisé dans la fabrication de bardeaux de cèdre de 2­½ pieds de long, entièrement travaillés à la main. Pendant 21 printemps, il fut « cook » pour les draveurs de la Cie Brompton, ce qui l’obligeait à se lever très tôt le matin. Durant une quarantaine d’années, il a été constable à l’église : son travail consistait à assurer le bon ordre pendant les messes du dimanche et à faire la quête qui rapportait habituellement, à l’époque, moins de 1 $ par dimanche. Il tient également à rappeler que le coût de la vie était très bas en 1885. Voici quelques chiffres qu’il a fournis : « À l’époque, on pouvait choisir n’importe où dans le village un emplacement de 45’ par 80’ pour 2 $ et, avec 150 $, on pouvait acheter tout ce qu’il fallait pour construire une maison, y compris les ouvertures. Si on préférait, on pouvait acheter une maison passable pour 80 $, par versement annuel de 20 $ sans intérêt. »

Dans son temps, il n’avait pas son égal pour jouer du violon. Il excellait aussi bien dans le populaire que dans le classique, chose rare à l’époque. Peu de familles pouvaient rivaliser avec lui pour la beauté et l’entretien de son jardin. M. Lizotte est mort subitement le 7 juillet 1956. Il avait cent trois ans. Ses deux fils Albert et Ernest ont résidé aux États-Unis.

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1      Les Abénakis de la région avaient donné au lac le nom de Maskikogamak, ce qui veut dire « Lac des foins ».

2      Produit destiné à la fabrication de la potasse.

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