L’Humeur buissonnière

Sur le fleuve, crédit photo Benoît Tardif (gracieuseté)

                                                          

L’HUMEUR BUISSONNIÈRE

Par Dyane Raymond

Le temps des possibles. Au moins une fois par jour j’entends dire, ou moi-même dis, que le temps passe vite. Chaque fois un pincement me titille. Contradictoire. Celui de regretter ce temps comme si je ne l’avais pas bien reçu, accueilli, comblé de tout ce qui fait la vie : joies, attentes, peurs, faits et gestes, etc. Et celui de son inéluctable fin, comme s’il ne restait plus qu’à l’attendre celle-là, telle une vieille amie en retard au bout du chemin.

À ni l’un ni l’autre de ces dérangements, je ne souhaite adhérer. Je veux dire que le temps, cette notion à la fois totalement abstraite et omniprésente représente pour moi quelque chose comme une déité, une chose précieuse que je ne veux quantifiée, ni qualifiée, encore moins mésestimée.

Voyons : le cycle des saisons n’est-il pas une grâce?

Notre été fut soyeux, tumultueux, enivrant, kaléidoscopique, laborieux, détendu, villégiaturant, j’en passe et des meilleurs.              L’automne commence à revendiquer sa place, quelquefois encore en chaudes accolades avec son amie estivale; d’autres fois sa voix de stentor tonnant, soufflant, pleuvant; les ciels zébrés de noir et blanc; les feuilles garances; les paysages ocrés; et tirant par devers lui une nuit plus froide, plus longue, plus lente de jour en jour à ouvrir les horizons qu’ont déserté les musiques orchestrales des aubes oiseaux-lyres.

Le temps est une déité, avançais-je. Il entrelace les amours et les passions, les sagesses acquises de peur et de misère, de sueur en extase, d’ivresses en murmures.

Dans la grâce du temps, du printemps à l’automne, mes premiers pas dans chaque jour me mènent jusqu’à l’eau glacée du petit lac, qui par contraste réchauffe corps et âme. Il me faudra bientôt abandonner cette eau bénite et la remplacer par les feux-chamans où alors matins, midis, soirs, porterai les bûches au creux du bras pour déposer le bois sur une braise absolue. Septembre est un mois gigantesque où foisonnent les récoltes, les engrangements, les rangements et autres désordres d’éparses pensées qui bousculent et se poussent vers les dehors ou les dedans ‒ c’est selon ‒ s’immisçant partout où un interstice laisse traverser ladite lueur. Septembre interpelle. Livrera ses secrets, offrira sa dédicace pour sceller nos mémoires, nos départs, nos fêtes de village, tissera le cocon satiné d’un hiver vigoureux, blanc comme un pur amour.

Tu dois faire un vœu, recommandais-je à l’ami Luc la fois que… : « Celui d’aimer ma femme jusqu’à la fin de mes jours », rétorqua-t-il tout de go.

Je vous en souhaite tout autant.

 

À propos Sylvie Veilleux

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