Juin, le premier mois de l’été, revêtait chez nous, au commencement du XXe siècle, un caractère tout particulier. C’était l’arrivée des premiers jours chauds, la fin des classes, la remise des prix de fin d’année aux élèves sages et studieux et le début des longs travaux agricoles. C’était aussi le mois des « grands déploiements populaires ». Nous avons pensé vous présenter deux de ces importantes manifestations des gens d’ici à cette époque, telles que vécues par nos prédécesseurs vers 1920-1940 : la procession de la Fête-Dieu et la « parade » de la Fête de la Saint-Jean-Baptiste.
Comme il se devait dans une société très fortement catholique comme le Québec des années 40, le premier témoignage de vénération allait à Dieu. Un hommage spécial, réservé à l’Être Suprême, avait lieu 60 jours après Pâques : la Fête-Dieu. C’était une journée à caractère religieux à laquelle toute la population se devait de participer. Le tout commençait en avant-midi, après la grand-messe. La procession partait de l’église suivant un ordre déterminé : les femmes d’abord, regroupées à partir de leurs associations religieuses (les Dames de Sainte-Anne, les Enfants de Marie…) ; les enfants venaient ensuite (garçons et filles séparés), puis le curé, au centre du défilé, portant ostensiblement l’ostensoir et entouré d’enfants de chœur, qui marchait sous le dais1 que soutenaient quatre notables de la paroisse ; enfin, les hommes, eux aussi regroupés selon leurs associations (Ligue du Sacré-Cœur, Lacordaires…) fermaient le défilé. Tout au long du parcours, on priait et chantait des cantiques religieux. Puis, c’était l’arrivée au reposoir qu’on avait décoré pour la circonstance, habituellement élevé à l’avant de la résidence d’une famille bien en vue du village. Après quelques invocations et une dernière bénédiction du curé, vers midi, la cérémonie prenait fin et la foule se dispersait.
L’autre grande journée de manifestation, cette fois-ci, plutôt patriotique, avait lieu le 24 juin : c’était la Saint-Jean-Baptiste, qui permettait à la foule de curieux et de fêtards de se divertir allègrement. Les associations locales, les industries, les commerces et même quelques particuliers avaient, au préalable, mis plusieurs jours à préparer les chars allégoriques présentant chacun une caractéristique de ce qui faisait alors la fierté de notre société. Le défilé de la Saint-Jean commençait tôt en après-midi. En tête de défilé venait l’Harmonie de Disraeli, toujours très populaire, qui avait sélectionné quelques pièces musicales de son répertoire folklorique. Circulaient ensuite les autorités civiles et religieuses, affichant fièrement leur présence dans des automobiles d’époque et des voitures hippomobiles. Puis, apparaissait la vingtaine de chars allégoriques, plus originaux les uns que les autres, tirés par des chevaux parfois nerveux et, finalement, pour clore le défilé, arrivait sous les cris et applaudissements de la foule la vedette de la journée : Jean-Baptiste lui-même, représenté souvent à l’époque par un jeune garçon aux yeux bleus, à la tête frisée blonde, vêtu d’une toison de mouton, qui saluait machinalement la foule sur tout le parcours. L’atmosphère était à la fête, on s’émerveillait de l’ingéniosité de ceux et de celles qui avaient préparé les chars.
En soirée, les associations de jeunes avaient installé le traditionnel feu de la Saint-Jean sur le terrain de balles. C’était alors une suite ininterrompue de musique et de chants folkloriques envoûtée par l’éclat, la chaleur et le crépitement du feu. Et, tout comme dans le conte Cendrillon de Charles Perrault, la fête prenait fin à minuit.
1 Pièce d’étoffe tendue sur des montants que l’on porte dans certaines cérémonies religieuses.
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