


L’abandon des activités régulières de la Société historique de Disraeli, causé par deux années de pandémie, aura permis à quelques membres de notre organisme de faire une lecture détaillée et attentive des nombreux articles de journaux écrits par M. Henri Doyon concernant l’histoire de nos municipalités. Ces articles ont été publiés dans le journal La Tribune, Le Courrier de Wolfe, et parfois L’Action Catholique de Québec.
Doyon nous informe que si la famille de M. Euclide Champoux a quitté Stratford vers 1867, pour venir ouvrir un moulin à scie hydraulique aux chutes Bull’s Head à Disraeli (actuellement chutes Champoux), c’est qu’elle y voyait un avenir prometteur pour elle et les familles tentées de s’établir dans notre région nouvellement ouverte à la colonisation. Le moulin offrait un travail constant à une main-d’œuvre masculine : travail au moulin en été, bûcheron dans les chantiers en hiver et draveur au printemps. Pour tous ces avantages, et grâce à la volonté de plusieurs familles de venir s’établir chez nous, deux voies de colonisations s’offraient alors à elles : le chemin Lambton, allant de Saint-Joseph-de-Beauce à Disraeli, et le chemin Gosford, soit la continuité du chemin Craig qui partait de Québec et se rendait à la frontière américaine en passant par nos régions. Ces chemins dirigèrent de nombreuses familles provenant des régions de Beauce, de Bellechasse, de Lotbinière et de Dorchester vers Disraeli. Ce fut le cas, en 1869, de M. Honoré Morin, venu de Saint-Raphaël-de-Bellechasse, notre premier hôtelier. Il construisit sa résidence à la jonction des actuelles rues Saint-Antoine, Laurier et Champoux. Sa maison fut par la suite déménagée sur ce qui allait devenir la rue Champlain, à proximité de la gare. C’est aujourd’hui la bâtisse la plus ancienne de Disraeli. Elle est située au 773, avenue Champlain. En 1873, Onésime Fortier, originaire de Saint-Romuald, ouvrit le sixième rang. Il fut suivi, en 1874, de David Binette, venant de Saint-Ferdinand, qui ouvrit une cordonnerie sur le chemin Lambton (aujourd’hui la rue Champoux). Les draveurs et les bûcherons pouvaient se procurer de solides bottes de travail, et les cultivateurs y trouvaient les harnais de cuir nécessaires à leurs animaux de trait pour effectuer les travaux de défrichage. En 1875, Thomas et Ernest Orsalie s’installaient sur ce qui deviendra plus tard le chemin Turgeon. Ils furent rejoints par Thomas et Étienne d’Orsennens. En 1877, Siméon, Charles et Alexis Gagnon, partis de Lambton, vinrent prêter main-forte aux colonisateurs du chemin Lambton. En 1878, Antoine Lapointe père, venu de Sainte-Hénédine, ouvrit la seconde partie du rang 6.
D’autres pionniers, empruntant le chemin Gosford, vinrent ouvrir, en 1877, le rang Breeches ; ce sont Honoré Gosselin et ses trois fils : Édouard, Philippe et Napoléon. Se joignirent à eux Georges Catellier, Jean et Paul Faucher, Pierre Thibodeau, André Giroux, Dosithée Gagné et Jean-Baptiste Saint-Laurent.
La famille de Ludger Daigle, émigrée de Saint-Joseph-d’Alma, et celle de Georges Gagnon sénior ouvrirent le rang 5, autrefois appelé chemin du lac Ménard (lac Bisby)
Selon M. Doyon, la vie de ces premiers occupants fut des plus pénibles. Leurs terres rocailleuses n’étaient pas propices à l’agriculture, les hivers étaient longs et sibériens, sans compter la présence d’ours qui inquiétait les habitants. En été, les ouvriers qui travaillaient au moulin Champoux gagnaient 1,25 $ pour onze heures et demie de travail par jour. Si bien qu’en 1904, Disraeli connut sa toute première grève ouvrière. Les employés des moulins Champoux et Gilbert firent la grève pour obtenir des journées de travail de dix heures. La grève dura une semaine et se termina par un gain pour les grévistes.
Le manque de chemins carrossables obligeait les gens à marcher de longues heures avant de rejoindre les villages environnants (Garthby ou Saint-Julien), et ramener, sur leurs épaules, un sac de blé ou de farine. Autre difficulté majeure, à l’époque, jusqu’en 1879, il n’y avait pas de véritable lien entre les deux côtés du lac à Disraeli. Le premier moyen pour le traverser d’une rive à l’autre fut l’installation d’un bateau-passeur mis en service par M. Vilmaire Brousseau, frère de Ferdinand, à partir de 1877. L’embarcation était reliée par un câble allant, d’un côté, de la rue Brousseau, et de l’autre côté à l’arrière du Casse-croûte Chez Pat. Il fallut attendre en 1879 avant que ne débute la construction du premier pont de bois unissant les deux rives. Il partait de la rue Jobin et se rendait à l’arrière de la résidence de la famille de M. Roland Bilodeau. Ce moyen d’aller d’une rive à l’autre permettait aux gens du Breeches, de Garthby ou de Saint-Julien de venir à Disraeli.
Le 12 mai 1877, le train du Quebec Central Railway passa à Disraeli pour la première fois. Deux ans plus tard, on construisit la gare et, de ce fait, le service postal devint fonctionnel. Ceci allait marquer les débuts de la modernisation de notre petit village, jusqu’alors complètement isolé. Dès ce moment, grâce au train, la compagnie Champoux et les autres industries forestières, établies chez nous, purent acheminer leurs produits transformés vers les marchés nationaux et même internationaux. Les marchandises provenant des grands centres allaient dorénavant garnir les tablettes de nos magasins généraux. Les gens d’ici pouvaient facilement se rendre en ville et les gens d’ailleurs venir nous visiter. L’arrivée du train marqua la fin de la période de colonisation et le début d’une première phase de modernité. En 1883, une première église fut construite à proximité du lac et, en 1898, la communauté des Sœurs des Saints Noms de Jésus et de Marie inaugura le couvent Sainte-Luce de Disraeli, sur le site actuel du CHSLD René-Lavoie. La municipalité de Disraeli fut officiellement reconnue le 1er janvier 1883.
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